#7/9 – Traversée du désert Dasht-e Kavir avec un routier iranien

village du Dasht-e Kavir


Après plusieurs heures au bord d’une route au milieu du désert iranien de Dasht-e Kavir, nous finissons, Jafar et moi, par trouver un camion prêt à nous mener jusqu’à Ispahan. La ville d’Ispahan est séparé de l’Afghanistan par un gigantesque désert, le Dasht-e Kavir, traversé par cette route.


Traversée du désert iranien de Dasht-e Kavir


Lorsque nous nous hissons dans son camion, Mohmed nous propose son lit, disposé à l’arrière de la cabine, que je laisse à Jafar qui s’endort après quelques mots échangés avec lui. Sept heures de route séparent le village de Khur à Ispahan. Face à nous, la route, une infinie ligne droite, transperce tranquillement le désert, s’enfuyant vers les montagnes posées, là-bas, sur la ligne d’horizon.

Le moteur tourne à nous en faire exploser les tympans. Le moindre creux sur la route en mauvais état nous fait sauter sur nos sièges à nous en casser les fesses.

Nous parlons peu, chaque phrase étant un exploit de communication entre deux hommes n’ayant aucune langue commune. Le faible réseau dans le désert lui permet quand même d’appeler sa nièce. Sans un mot, il me tend son téléphone.

J’entends la voix d’une femme, la nièce du chauffeur, qui étudie l’anglais à Chiraz. La conversation est simple. Hajar vit chez ses parents et veut vite finir ses études pour devenir institutrice et habiter sa propre maison. Mais pour cela, elle devra aussi se marier. Malheureusement, le vieux camion finit par écraser la discussion sous le vacarme du moteur à l’agonie.

voyage désert d'Iran
Route droite à travers le désert iranien de Dasht-e Kavir


1h15 de trajet – On a atteint les montagnes au bout. Tout en fixant la route silencieusement, Mohmed et moi fumons une cigarette. Le soleil tombe sur le désert et l’air s’adoucit. L’immensité du désert rend la discussion lente et nous permet de savourer de longues contemplations silencieuses. Son trajet a démarré à Mechhed, une ville située à l’Est du pays. Vingt heures de route lui sont nécessaires pour rejoindre Ispahan.

Le camion gravit doucement la montagne. Puis nous croisons un camion dont la charge, un gigantesque rocher, est tombée sur la route. Un kilomètre plus loin, deux camions sont à l’arrêt sur le côté. Les deux chauffeurs prient pour que leurs rochers à eux passent bien gentiment la montagne.

Lorsqu’il veut passer les vitesses, Mohmed met tout son poids sur le levier qui proteste dans un bruit strident et âpre chaque fois qu’on le sollicite. Le boîtier finit par abdiquer en donnant un à-coup au camion, réveillant Jafar qui se retourne ensuite en grommelant sur sa banquette.

Le gros Volvo, mis en circulation sur les routes suédoises en 1972, a été revendu en Iran à Mohmed il y a vingt-cinq ans. Le camion avale les kilomètres sur la route à une vitesse de pointe de 45 km/h. Toutefois, la lente course folle du vieux poids-lourd ralentie une fois les montagnes atteintes, nous propulsant alors moins vite qu’un vélo.


L’islam chez les routiers iraniens


Les camions, à la mécanique croulante, ont tous plus de vingt ans et viennent pour la plupart d’Europe d’où ils sont revendus en Asie une fois trop vieux. Les conditions de travail en Iran sont incertaines et précaires pour les routiers. En Iran, il n’existe pas de société de transport à proprement parler.

Chaque conducteur travaille à son compte et au contrat. Ils sont rémunérés à la course et n’ont généralement pas les moyens de souscrire à une assurance. Ce sont eux aussi qui investissent d’eux-mêmes dans leurs camions. Une grosse panne, un accident ou encore une livraison trop en retard peut leur coûter très cher, et il n’est donc pas étonnant dans ces conditions que le chauffeur me dise être un bon musulman, comme la grande majorité des routiers iraniens.

chauffeur de camion iranien dans le désert en Iran
Pause dans un village

La route du désert est presque exclusivement traversée par des camions. Au coucher du soleil, nous dépassons des camions à l’arrêt et leurs propriétaires s’inclinant sur leur tapis vers La Mecque pour effectuer la dernière des cinq prières de la journée. Mohmed fait de même.

Les marges sont faibles ce qui oblige les chauffeurs à rouler parfois dix heures d’affilée sans la moindre pause. Ils enchaînent au maximum les contrats ne voyant presque jamais leurs familles. Pourtant, malgré la précarité et la maigre marge de sa livraison, notre chauffeur nous offre sans rien dire notre repas dans un petit restaurant. Alors que je tente de protester, Jafar me répond en aparté que Mohmed est simplement un bon musulman. Nous repartons.

Après notre arrivée, je quitte Jafar et sa famille qui ont été mes hôtes pendant mes quelques jours à Ispahan. Je rejoins Tabriz où mon voyage en Iran est sur le point de se terminer.

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