#6/9 – La quête du meilleur Klucheh d’Iran

voyage en Iran Ispahan

Dans le nord de l’Iran, non loin du très touristique et magnifique village en terrasse de Masouleh, on trouve la ville de Fuman. Affamé le lendemain d’une longue et éprouvante journée d’auto-stop, je marche en quête d’un Klucheh, un délicieux gâteau rond à la cannelle qui fait la réputation de la ville. Je n’ai pas le temps de mettre la main sur le saint Graal qu’un mollah très souriant vient à ma rencontre. Il veut absolument me présenter à Farzan, un jeune serveur de thé qui parle anglais et travaille dans un Tea house. Ce dernier m’invite à boire un thé. Farzan et moi nous entendons bien et décidons de partir ensemble pour Masouleh.


Le village de Masouleh, promenade sous la brume


Après avoir pris un bus aux sièges défoncés et crissant à la mort chaque fois que son chauffeur passe les vitesses, Farzan et moi atteignons le petit village de Masouleh. Le village égaré au cœur de la jungle apparaît à travers la brume. Les innombrables terrasses se dressent sur le flanc d’une colline et le brouillard est si épais que nous peinons à distinguer les maisons les plus hautes. Comme Farzan et moi, quelques touristes iraniens errent dans le village.

voyage à Masouleh en Iran
Le village en terrasse de Masouleh



Nous gravissons chaque étage du village jusqu’à atteindre le haut des terrasses. Pas un son ne sort du brouillard. La rivière en contrebas accompagne doucement le silence dans lequel le village est plongé. Sous nos pieds, cent mètres de terrasses, de maisons posées les unes sur les autres. Un oiseau hasarde quelques cris au milieu de tout ça. Farzan sublime ce moment de félicité en se lançant spontanément dans un très ancien chant Farzi. La poésie persane occupe encore aujourd’hui une place très importante chez les jeunes iraniens et la chanson de Farzan se base sur un texte de Hafez, poète iranien du XIII° siècle.

Puis, sitôt la dernière note achevée, Farzan sort enthousiaste son téléphone. Il a récemment découvert une musique d’une très grande chanteuse ! Dès les première notes, le visage de Farzan dessine un large sourire. Alors que nous descendons la colline accompagnés de Katy Perry s’époumonant à travers les enceintes grésillante du petit smartphone, je remarque un adolescent à une fenêtre interpeller deux de ses tantes en riant derrière un tas de roses.

promenade dans Masouleh en Iran
Dans les rues du village de Masouleh en Iran


C’est une bonne situation ça mollah à Fuman ?


En marchant dans les rues de Fuman, nous croisons un mollah entouré de cinq femmes entièrement voilées en noir. Farzan me sourit. Les mollahs n’ont pas hésité à rétablir l’utilisation du très vieux contrat coranique du Mut’a, aussi appelé mariage de plaisir, qui consiste à échanger une femme supplémentaire, généralement veuve ou divorcée, contre une dot pour une durée déterminée. La polygamie ne se pratique plus depuis bien longtemps en Iran et les Iraniens regardent d’un œil très critique l’emploi du Mut’a par les mollahs.

Les mollahs sont au pouvoir de l’Iran depuis la Révolution de 1979. Ils ont la main sur les fonctions clés des entreprises et des administrations et s’attirer leurs faveurs est indispensable pour qui veut monter la moindre affaire. Spectacle à ne pas manquer en Iran, le passage d’un mollah dans une rue commerçante. On les reconnaît à leur éternel turban blanc, ou noir pour les descendants du prophète. Comme il est toujours bon de s’entendre avec les mollahs de sa ville, les passants redoublent de sourires et de gentils mots en saluant le mollah. Le mollah lui n’est jamais très souriant. La popularité doit les gâter. Même si leur nom est rarement évoqué sans un sentiment amer d’injustice et de frein au développement de l’Iran, Farzan m’explique qu’il faut bien nourrir sa famille. Alors tout le monde se résigne à sourire et saluer les mollahs quand ils passent dans la rue.

football Iran
L’épicier qui nous accueille pour regarder la finale. Sur la gauche, c’est Papak. Plus à gauche, le portrait d’un mollah.


La finale de la coupe d’Europe vue depuis Fuman


Cette année-là, c’était la coupe d’Europe de football. Et ce soir, la France et le Portugal disputaient la finale. La coupe d’Europe est très suivie en Iran et Ronaldo est érigé au rang de véritable star. Les amis de Farzan sont présent pour l’occasion dont Papak, le gérant du Tea House. Nous installons un barbecue devant le Tea House à même le trottoir et nous préparons des brochettes de viande de kebab en buvant l’incontournable Dhoor, une boisson typique de lait fermenté agrémenté d’herbes. Chaque fois qu’un copain du quartier s’arrête devant le barbecue, Papak et moi ajoutons des brochettes au barbecue.

Avec Papak, on finit par s’avoir tellement à la bonne qu’il me présente à son père qui tient un commerce dédié au Klucheh, le fameux gâteau à la cannelle. Mais ces Klucheh là ne sont pas comme les autres, non monsieur ! “Ceux-là, ce sont les meilleurs Klucheh de tout Fuman” ! qu’on me dit le doigt levé solennellement. Je finis mes brochettes avec le meilleur Klucheh de Fuman, d’Iran et de tous les vendeurs de Klucheh de tout le Moyen-Orient. Puis nous regardons la finale entassés derrière le comptoir de l’épicier voisin qui a la télévision. Ce soir-là, le coup de sifflet final est suivi de coups de klaxon dans toute la rue. Tout le monde est content. Sauf Papak. Faut dire qu’il avait parié ses rials sur les bleus.

repas iranien typique brochettes de kebab au poulet et du pain
Et voici Farzan, Dhoor à la main, avec brochettes de kebab au poulet et du pain barbari. Un classique !

Farzan m’offre un tapis dans son salon de thé pour passer la nuit. Le matin, nous partageons un peu de fromage frais et de pain avant nos au revoir et le départ vers le bus pour Téhéran.

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