#2/9 – Voyage au cœur de Téhéran

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Téhéran est une ville étonnante. Après avoir lu plusieurs livres de voyages, l’envie m’est venue de voyager en Iran, un pays décrit comme accueillant. Première étape de ce voyage, la découverte de Téhéran lors du ramadan.

Décrite comme peu intéressante et laide par certains avis et guides de voyage, j’ai découvert au contraire une capitale fascinante. Téhéran est la ville qui permet le mieux de comprendre l’Iran de demain.


Rejoindre Téhéran depuis l’aéroport Khomeini, un passage difficile


Une fois le précieux visa obtenu, un voyageur français et moi partons à la recherche d’un taxi. Il n’y a pas de bus pour rejoindre Téhéran depuis l’aéroport Khomeini, pas de navettes. Seule solution, la petite voiture jaune. Mais le taxi iranien se montre très dur en négociation. Les taxis s’entendent sur les prix. Impossible de faire jouer la concurrence, la négociation est alors totalement impossible. Finalement, ce soir-là nous avons payé le double du prix.

En Iran, les voyageurs ne peuvent payer qu’en cash. L’Iran étant coupée du système bancaire mondial, la carte bancaire n’a aucune utilité. Néanmoins, il est possible de payer un taxi iranien dans n’importe quelle devise. Mieux, on peut y changer son argent !

À la fin du trajet depuis l’aéroport, les taxis proposent même généralement de changer l’argent. Personne ne jure être plus au fait des fluctuations des cours de l’euro/rial sur les places monétaires mondiales qu’un taxi iranien. Et pour les plus naïfs, c’est promis sans commission. Il est quatre heures du matin, je décide de m’enquérir de ces obligations le lendemain et paie mon taxi en euro.


Voyager en moto-taxi dans les rues de la capitale iranienne


Le lendemain de mon arrivée, je décide de me rendre à Tabiat Bridge. Je choisis un moto-taxi, qui met un zèle incroyable à griller chacune des règles les plus élémentaires du code de la route. Tout y passe, les feux rouges, les priorités, les trottoirs.

Après cinq minutes de trajet, je m’aperçois que mon interlocuteur ne parle pas un mot d’anglais. En fait, il n’a pas compris un mot de ce que je lui ai dit en indiquant ma destination. Il s’arrête, me fait signe de venir avec lui dans un bureau de change. Là, il demande le chemin à ses copains. On lui répond avec des gestes vagues. Il est perplexe. Moi aussi. On n’est pas beaucoup aidé…

On repart. On passe de grandes avenues. On grimpe sur les trottoirs. On zigzague entre les voitures. Puis on finit par se lancer sur l’autoroute à la vitesse prodigieuse de 60 km/h sous le son protecteur et épique du moteur, plus proche du bruit d’une tondeuse à gazon que d’une moto d’ailleurs. Le type partage avec moi ses pâtisseries qu’il tente de manger tant bien que mal pendant que des poids-lourds doublent nonchalamment notre bolide. C’est délicieux.

Puis on se perd. Encore et encore. On passe devant le pont, mais on ne parvient jamais à l’atteindre. À chaque arrêt pour demander notre chemin, les gens sont amusés de voir un étranger sur un moto-taxi. Après avoir renseigné l’itinéraire au chauffeur, ils rigolent en me baragouinant les seuls mots d’anglais qu’ils connaissent.

Je conseille vivement de voyager dans Téhéran en moto-taxi. Si vous avez un faible pour les motos brinquebalantes qui vous mènent cheveux au vent en respirant l’essence et en vous berçant des sons de moteur à bout de souffle, vous devriez trouver là votre bonheur.


Admirer Téhéran depuis le pont Tabiat Bridge


Téhéran se propage partout autour du pont de Tabiat Bridge. Du côté nord, la banlieue riche du nord de Téhéran se jette sur les parois de la montagne de l’Alborz. Du côté sud, on distingue le centre de la ville et sa banlieue sud qui s’élance jusqu’à l’horizon. Tout est vert sous le pont, qui est juste à côté d’un parc. On peut y marcher tranquillement et se promener à côté dans le petit parc où un drapeau de 80 mètres de haut surplombe toute la ville.

Le meilleur moyen de se rendre à Tabiat Bridge est de prendre le métro jusqu’à la station Shahid Haghani. Vous pourrez alors admirer sur le chemin une exposition ouverte en extérieur sur la Révolution Islamique des mollahs. Cette exposition permanente contient une succession de superbes films de propagandes démodés à outrance : plans au ralenti sur les chefs du gouvernement marchant face à la caméra, lunettes de soleil sur le nez, le tout projeté au-dessus d’un florilège de chars d’assaut croulants et vieux.

voyager à Téhéran - Tabiat Bridge
Les montagnes de l’Alborz depuis Tabiat Bridge


Se déplacer à métro dans Téhéran


La ville est très grande ; les sept lignes et les cent-vingt stations desservies par le métro suffisent juste à couvrir toute la ville. La distance entre les stations est donc très grande. Toutefois, le métro de Téhéran est très efficace et bien plus propre et spacieux que le métro parisien. À Téhéran, les deux wagons de devant sont exclusivement réservés aux femmes. Mais les Téhéranaises peuvent aussi voyager dans les autres wagons qui sont mixtes.

Le métro de Téhéran a quelques leçons de courtoisie et de sympathie à donner à Paris. Céder sa place à une personne âgée est un vrai point d’honneur. De plus, on aime taper la causette avec un étranger – dans ce récit, moi – et en faire profiter les curieux en traduisant ce qui se dit. Enfin, petite curiosité, les vendeurs de téléphones, de chaussettes ou de cravates font leurs annonces dans le métro et les négociations se font en plein milieu de la rame.


Visiter le Palais du Golestan


Le Palais du Golestan est l’un des plus vieux monuments de Téhéran, construit au XVI° siècle. Tout autour du palais, on peut se promener dans les jardins et le long des bassins. Je visite souvent à reculons les sites historiques mais je dois dire que le magnifique trône de marbre et la salle de cristal, composée uniquement de miroirs, m’ont émerveillé. Le Palais du Golestan est un complexe composé de 7 palais royaux. Il se situe entre la station Imam Khomeini et Panzdah Khordad.


Explorer le Grand Bazar de Téhéran


Non loin du Palais du Golestan, on trouve le Grand Bazar de Téhéran. Ce gigantesque labyrinthe de galeries est un entrelacement de dix kilomètres de commerce. Je trouve là mon simple bonheur de promeneur solitaire, laissant les halos de lumières traversant les percées du plafond m’aveugler et me frapper le front des rayons du soleil, tout en évitant les tireurs de charrette sommant la foule de se jeter sur les côtés à coup de ‘Yallah !’ Les enfants travaillant dans le bazar n’ont pas 8 ans qu’ils transportent déjà les sacs d’épices avec l’assurance du regard d’un homme de 50 ans. Derrière, les boutiques ; au-dessus d’elles, les ateliers de tissage.

Des mosquées se trouvent à l’intérieur même du bazar. Épuisé par la chaleur et la soif, je rentre dans l’une d’elles. J’imite alors les ouvriers des ateliers d’à côté qui profitent de la fraîcheur de la mosquée pour dormir sur les tapis persans. Dans le Grand Bazar de Téhéran, le touriste n’est jamais sollicité, jamais embêté. Les commerçants attendent calmement le client et parlent tranquillement. Malgré la foule, pas de bousculade. Le Grand Bazar est mon coup de cœur touristique à Téhéran.


Promenade dans le parc de la Ville à Téhéran


Si vous êtes épuisés de voyager dans le tumulte des rues de Téhéran, le Parc de la Ville, Park-e Shahr, permet de retrouver un peu de quiétude. L’air y est plus frais, les arbres préservent le promeneur du bruit incessant de Téhéran. Je croise là beaucoup de Téhéranais qui s’y promènent seuls, s’assoient et profitent du silence. Il semble que les gens se retrouvent en paix dans les parcs pendant le ramadan et s’y reposent, affaiblis par le jeûne.


Vue panoramique de Téhéran au nord de la ville


Durant le week-end, les familles Téhéranaises se rendent souvent le soir venu sur les abords du massif de l’Alborz situé au nord de la capitale iranienne. Je conseille notamment de grimper en haut de Baam au nord du quartier de Velenjak sur les flancs du massif du Tochal. Il faut marcher sur un large chemin goudronné qui longe les flancs de l’Alborz pour atteindre le point de vue situé sur les hauteurs.

La tour Milad jaillit du tapis de lumières alors que tout Téhéran s’étire au loin jusqu’au sud. C’est le soir du ramadan ; les familles et les jeunes couples prennent le thé accompagné de pâtisseries au miel. On voit aussi des ballons voler partout autour. Les jeunes se retrouvent souvent le week-end pour faire des passes de volley et jouer de la musique. J’y suis allé la nuit. Mon hôte m’a dit que rien ne vaut le moment du coucher du soleil.

découverte de Téhéran, capitale de l'Iran
La tour Milad jaillissant des lumières alors que Téhéran s’étire vers le sud


Où dormir à Téhéran


Pour me loger les deux premières nuits, j’ai fait le choix de l’hôtel. Je peux dire que le Markazi Iran Hotel est très bien car il est situé en plein centre, rue Lalehzar, à côté de la station Sa’adi. Pendant le ramadan, les prix sont au rabais. L’hôtel est géré par Fatimah qui est absolument adorable. En raison de la saison basse du tourisme, je pouvais manger avec elle et ses collègues.

Pour la suite de mon voyage à Téhéran, j’ai opté pour Couchsurfing comme solution d’hébergement, une plateforme communautaire de mise en relation entre voyageurs et habitants. Même si l’utilisation de Couchsurfing est illégal, la communauté est très active en Iran et n’hésite pas à employer de faux noms pour tromper les autorités.


On mange quoi en Iran ?


En Iran, on mange principalement des plats à base de riz, de fromage, de poulet ou de viande de kebab. Si vous en avez l’occasion, allez acheter à Téhéran des naans Sangak, ces fameux grands pains aux graines de sésame que les Iraniens mangent à chaque repas. Les fours et les secrets de fabrication répondent souvent à un savoir-faire ancestral et se transmettent de génération en génération. Je conseille aussi le Doogh, une boisson fermentée qui remplace souvent l’eau lors des repas des habitants. Enfin, les Iraniens ont une consommation honorable de vingt thés par jour. Toute rencontre, toute discussion est un excellent prétexte pour boire le thé, assis en tailleur sur un tapis persan.


Portrait de la société iranienne de Téhéran


Ce soir, c’est l’anniversaire de mon hôte dans le nord de la ville. J’y suis invité. Médecins, chirurgiens, dentistes… Je loge dans les milieux les plus aisés de Téhéran. En soirée, les femmes enlèvent le voile sitôt entrées dans les lieux. Sur les tables, le vin côtoie vodka et mousseux. La plupart des invités ont vécu à l’étranger, en Europe ou aux Etats-Unis. Tous parlent anglais. L’alcool est prohibé ici et sa consommation sévèrement punie – l’Iran est alors l’un des pays enregistrant le plus de condamnations à mort au monde. On m’explique que la différence avec les soirées en Europe, c’est qu’à Téhéran, on fait boit son verre avec la possibilité que le prochain à ouvrir la porte, c’est un régiment entier de flics.

Je croise Royâ. Elle a créé une galerie d’art contemporain. Être entrepreneuse dans la capitale iranienne n’est pas difficile. Elle me regarde étonnée lorsque je lui demande s’il est difficile de traiter avec les hommes quand on est une femme en Iran. Elle me répond que non, tout simplement. Pour Royâ, il serait impensable de vivre ailleurs qu’à Téhéran, qui a 10 ans d’avance sur la province. Tinder marche super bien à Téhéran même si c’est illégal. Un couple sur deux divorce et il n’est pas rare que ce soit la femme qui le demande. Et 60% des étudiants sont des femmes.

voyage à Téhéran - promenade dans le parc de la ville
Des vendeurs à la sauvette de montres, d’ustensiles et de vêtements dans un parc de Téhéran


Découverte de la culture clandestine à Téhéran


En Iran, chacun a son contact pour se procurer de l’alcool. Le marché noir en Iran est partout. Dans son taxi, chez son voisin en allant prendre le thé, chez son boulanger en achetant son naan… Toute discussion est bonne pour partager son contact ou proposer de revendre un arrivage de la frontière Irakienne. Les jeunes consomment de l’alcool mais aussi les plus anciens, qui avaient l’habitude de pouvoir boire avant la révolution de 1979. Depuis quarante ans, les Téhéranais s’efforcent de continuer à faire ce qu’ils veulent. Et si c’est illégal, tant mieux. Ce sera plus drôle !

Côté musique, la censure est là aussi un hachoir bien aiguisé dont les iraniens savent s’amuser. Si vous avez vu Good Morning England de Richard Curtis, sachez que l’Iran le vit en ce moment même et que le bateau a simplement été troqué par Los Angeles. La plupart des musiciens à la une des chartes d’Iran sont censurés par l’Etat. Les singles sont produits aux Etats-Unis et les clips sont diffusés sur des chaînes illégales depuis la Côte Ouest.

Dans la soirée, on passe quelques-unes de ces musiques. De la danse aseptisée à l’iranienne. À la télévision, les femmes ne portent presque jamais le voile, les clips sont des imitations très réussies du hip-hop américain et les J.T. reprennent l’information diffusée par les médias nord américains. Foyers riches ou modestes, on regarde partout ces chaînes illégales.

Ce soir-là, deux vieux copains décident de chanter au piano de vieux chants d’amour populaires iraniens. Tout le monde s’assoit en cercle dans le salon. On les écoute et on chante avec eux. Puis on me demande de jouer à mon tour. Je joue un morceau de Chopin au piano ce qui me vaut une poignée de main très émouvante avec le chanteur à mes côtés.

Dans un tout autre registre, un autre joue plus tard des chants plus enjoués à la guitare. On me la donne et je joue une chanson des 70’s américain. Tout le monde se met à taper des mains, à rire et à chanter en yaourt, le chanteur en tête. A ce moment-là, cette zone noire sur les manuels de géographies de cette région du Moyen-Orient a pris quelques couleurs.

Jamshyd mon hôte et moi quittons notre famille. Je découvre alors avec lui un peu plus la société Iranienne. Restez connectés au blog, suite dans le prochain article.

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